Jean Hébrard (2002) souligne l’importance du passage du langage d’évocation à l’oral au langage d’évocation à l’écrit dans le processus d’alphabétisation d’un enfant. En amont, il semble tout aussi important de préciser, avec Viviane Bouysse (2006), la notion de langage d’évocation par rapport à la situation d’évocation.
De la situation d’évocation au langage d’évocation
La mise en place d’une situation d’évocation n’induit pas nécessairement le recours au langage d’évocation.
Les situations d’évocation correspondent par exemple au fait que dans la classe il est fait référence (on évoque) à une histoire déjà entendue ou bien les échange portent sur un projet qui sera réaliser plus tard. Ce sont des situations essentielles du vivre ensemble où les enfants partagent une émotion : pour reprendre l’exemple cité par Viviane Bouysse (2006), on peut évoquer la séance de motricité de la veille en disant Tu te souviens quand tu as glissé là, hier ? [Traduit en langage d’évocation, Anatole a glissé dans la salle de motricité]. Il s’agit de situations qui fondent la cohésion du groupe, une culture partagée s’élabore aussi à partir d’actes langagiers partagés : écouter une histoire ensemble ou dire une comptine,...
Le langage d’évocation fait référence à une particularité du langage. C’est un langage précis et construit qui permet à quelqu’un qui n’aurait pas vu ou assisté à la situation de la comprendre. De ce fait, il est important de cibler un destinataire. Ainsi les enfants se décentrent et entrent progressivement dans le langage de récit.
Viviane Bouysse (2006) propose quelques situations facilitatrices qui permettent l’élaboration de langage d’évocation :
- les situations de rappel : on se remémore des histoires lues ou racontées, des événements du passé proche ; on fait le récit pour des tiers absents d’un épisode vécu, à partir de photos prises, de tentatives de représentation graphique
- les situations de projet : on envisage une sortie, une fabrication, des actions…
- pour utiliser cette langue du récit, il est utile et nécessaire d’avoir entendu des histoires. L’élève doit apprendre à à parler précisément, comme on écrit.
Lorsque l’enseignant vise un tel travail avec un groupe d’élèves, il doit être vigilant par rapport à son propre langage (articulation, débit, expression, construction, etc.). De même, il montre ses attentes, il opère progressivement une sorte de « resserrage » du dialogue pédagogique, pour passer de l’étayage d’ordre socio affectif favorisant la confiance nécessaire aux premières prises de parole à des exigences didactiques de nature à favoriser réflexion et prise de conscience.
Du langage d’évocation à l’oral au langage d’évocation à l’écrit
A l’écrit, le travail d’évocation s’élabore à partir d’une représentation mentale du texte. Les gestes mentaux nécessaires pour lire un texte et le comprendre sont :
- être attentif à ce qu’on lit pour donner une existence mentale à ce qui est lu
- mémoriser pour conserver les informations recueillies au cours de la lecture et les placer dans un imaginaire d’avenir où elles pourront être réutilisées
- réfléchir par une procédure d’appel à des connaissances déjà acquises sur le sujet traité, ainsi qu’à des stratégies de lecture appropriées au type de texte et à l’intention de lecture
- comprendre pour s’ouvrir au sens de ce qui est lu et s’en donner une représentation mentale au plus juste
- imaginer des contextes créateurs de sens et dégager l’inédit du texte (Hébrard, 2002)
Conférence de Viviane Bouysse (2006) Le langage à l’école maternelle
http://www.ac-creteil.fr/langages/contenu/cont_reflexion/pdf/langage_ecole_mater.pdf
Conférence de Jean Hébrard (2002)
http://listes2.ac-nancy-metz.fr/wws/d_read/ia54-gdt-maternelle/Conf%E9rence%20J.H%E9brard.htm